18 Octobre 2010
Il n’est pas courant qu’un nouveau Conseil Pontifical soit mis en place au Vatican, étant donné le caractère conservateur de cette institution. Le pape Benoît XVI vient pourtant de rendre public le motu proprio (intitulé Ubicumque et semper, “partout et toujours”) qui établit un Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation.
L’une des raisons pour lesquelles cette mesure mérite que l’on y prête une attention toute particulière est qu’il s’agit d’une initiative sur du long terme. La préoccupation qui est au cœur de l’appellation du Conseil a également une importance capitale, en particulier pour des évangéliques qui se complairaient dans l’idée qu’ils ont un « monopole » sur tout ce qui touche à l’évangélisation. Nous avons là affaire à un bureau du Vatican dont l’objectif est de favoriser la nouvelle évangélisation de l’Occident. Les évangéliques devraient également prêter attention à la longue citation d’Evangelii nuntiandi, un document du Vatican relatif à la mission, datant de 1975, et que beaucoup d’observateurs ont considéré comme l’équivalent catholique romain de la Déclaration de Lausanne de 1974. La mission au sein des pays occidentaux est donc l’une des priorités du Vatican.
Le pape Ratzinger a toujours été préoccupé par le fait de chercher à se confronter aux défis de l’Occident sécularisé. De bien des manières ses premières années en tant que pape peuvent être analysées comme une tentative de faire face à ce problème. La mise en place de ce nouveau Conseil en est le versant « institutionnel ». La lettre fait référence à des thèmes qui sont chers à Benoît XVI : il souligne la diminution progressive de la pratique du christianisme dans les pays industrialisés ainsi que l’abandon continuel des valeurs chrétiennes dans les sociétés occidentales, qui conduisent au mieux à de l’indifférence, au pire à des attitudes antichrétiennes. Pour faire simple, le pape pense que la « sécularisation » est le principal ennemi spirituel de l’Église. Il appelle l’Église à se lancer dans une phase de revitalisation de sa vie intérieure pour faire face aux tendances séculières. La lettre pontificale Ubicumque et semper n’inclut pas une théologie bien définie de la nouvelle évangélisation. Cependant, il y a des pistes qui méritent peut-être que l’on s’y arrête et qui mettent en perspective cette nouvelle mesure du Vatican.
La rhétorique de la déchristianisation progressive de l’Europe est une constante dans les allocutions papales depuis la Révolution française. « Qui pèse ces choses a droit de craindre qu’une telle perversion des esprits ne soit le commencement des maux annoncés pour la fin des temps, et comme leur prise de contact avec la terre, et que véritablement “le fils de perdition” dont parle l’Apôtre” (II Thessaloniciens. II, 3) n’ait déjà fait son avènement parmi nous ». Si grande est l’audace et si grande la rage avec lesquelles on se rue partout à l’attaque de la religion, on bat en brêche les dogmes de la foi, on tend d’un effort obstiné à anéantir tout rapport de l’homme avec la Divinité ! » Ces mots pourraient être ceux de Ratzinger, mais ils furent écrits par Pie X en 1903 dans son encyclique E supremi apostolatus (n. 5).
D’une certaine manière, il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Les Eglises se sont retrouvées à croiser le fer avec différentes formes de sécularisation depuis au moins trois siècles. La nouveauté, c’est peut-être que les Eglises institutionnelles risquent de perdre leur statut privilégié dans une société pluraliste. Il semblerait que la sécularisation actuelle ne s’accommode guère des arrangements entre l’Eglise et l’Etat antérieurs à la Révolution.
Est-ce de cela dont Ratzinger a le plus peur ?
Dans son évaluation des dangers de la sécularisation, Benoît XVI accuse cette dernière de toutes sortes de maux. Son analyse est correcte de bien des manières. Mais il manque quelque chose d’important. Il ne fait aucune mention de la responsabilité de l’Église dans la situation misérable de la chrétienté occidentale. L’Église a-t-elle vraiment travaillé d’arrache-pied pour proclamer avec intégrité l’Évangile au monde moderne qui l’observait ? L’Église a-t-elle été fidèle à la Parole de Dieu ? L’Eglise est-elle dans une certaine mesure responsable d’avoir au moins en partie provoqué ces inquiétantes tendances sécularistes ? L’Église devrait-elle examiner ses propres péchés avant de pointer le monde du doigt ?
Ce document ne s’occupe pas de cela. Il ne pose même pas la question !
L’Église est encouragée à promouvoir la nouvelle évangélisation et à raviver son ardeur pour la mission et son influence sur la société. Ce document n’exprime pas d’espoir de conversion à l’Évangile, comme l’exprimait la Déclaration de Lausanne. Il espère plutôt la restauration d’une société chrétienne au sein de laquelle les valeurs chrétiennes seraient honorées, mises en pratique, et l’Église reconnue comme influençant et défendant la société. Que vise l’évangélisation ? Veut-elle favoriser la nostalgie d’une « société chrétienne » telle qu’elle a pu exister en Europe dans le passé ? Mais ces sociétés étaient-elles chrétiennes au sens de l’Évangile ? Ne devrions-nous pas accepter le défi d’évangéliser l’Occident sans chercher à simplement revenir en arrière ?
Pour finir, un commentaire sur les outils que le pape Benoît XVI considère comme cruciaux pour réaliser cette tâche. En première ligne se trouve « l’utilisation du Catéchisme de l’Église catholique, comme formulation essentielle et complète du contenu de la foi ». Que le chef de l’Eglise catholique romaine fasse la promotion de l’utilisation du Catéchisme est parfaitement légitime. Cependant, le peuple de l’Evangile se serait attendu à ce que le pape encourage la lecture, l’étude et le partage de la Bible. De toute évidence, pour lui le Catéchisme contient la Bible, et non l’inverse.